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Association des Amis de Jean Hameau

Présidente : Mme Michelle Caubit ; Secrétaire : M. Jean Marie Chabanne

 

DEVOIR de MÉMOIRE – la LETTRE

 

JEAN HAMEAU et le PAYS DE BUCH

 

 

 

MAI 2021.  Numéro 6

 

 

Jean Hameau vaccinateur, officier de santé, enfin docteur en médecine.

1801.

Sur le chemin du retour, Jean Hameau fait une halte à Bordeaux pour connaître si la décision de créer une Ecole de Médecine était enfin prise. Enorme déception. Pour des raisons obscures (effet « girondin » ?) ce ne fut pas Bordeaux qui avait été choisie pour y ouvrir cette École mais la ville de Caen en Normandie. Il était hasardeux pour lui de retourner à Paris sans savoir quand il lui serait possible d’y soutenir une thèse.

Il arrive chez lui, le cœur palpitant à la pensée de revoir tous ceux qu’il avait quittés depuis bientôt quatre ans. Son père, sa sœur Marguerite, son beau-frère Pierre Moureau, ses proches, ses amis. Tous lui font une fête joyeuse et émue. Tous l’écoutent raconter sa vie à Paris.

Il lui fallut cependant mettre un terme à cette parenthèse si agréable et s’investir dans ce qui avait été le fil conducteur de sa vie, soigner, soulager, réconforter. Une autre cruelle contrariété l’attendait. Voilà qu’on lui imposait de suivre une formation qu’il possédait parfaitement, celle d’officier de santé, indispensable pour pratiquer la médecine en Gironde, à défaut d’un titre de docteur en médecine, qu’il ne pouvait obtenir à Bordeaux, et pour cause. Il s’inscrit à l’Ecole Saint-Côme, à Bordeaux et doit suivre quelques cours, malgré sa dure formation parisienne.

Vaccinateur itinérant

Ses maîtres Pinel et Guillotin lui avaient remis une certification mentionnant sa parfaite connaissance de la vaccine et une recommandation pour que l’autorité préfectorale de la Gironde l’autorise à la pratiquer, sans restriction, sur une grande échelle. Ce qui fit de Jean Hameau, une des premiers praticiens à la propager dès 1801, bien avant le décret du 15 prairial an XII (3 juin 1804), qui dotait chaque département français d’une société de lutte contre variole.

 Son premier hiver est marqué en décembre par un terrible ouragan qui déracina plusieurs milliers d’arbres dans la Montagne.

Le 9 septembre 1802, Marguerite donne naissance à un magnifique garçon, Jean-Etienne Moureau. Le bonheur illumine toute la famille Hameau.

Les évènements politiques nationaux n’eurent que peu de retentissement en Pays de Buch. Napoléon Bonaparte, nommé Premier consul, consul à vie à partir du 2 août 1802, est sacré empereur, en la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804, par le pape Pie VII.

La loi du 17 février 1800 supprime les municipalités de canton et chaque commune a de nouveau sa propre municipalité et son maire. Marichon jeune après avoir été président de l’administration du canton cesse ses fonctions de maire en juillet 1804, remplacé par Turgan, ancien commandant de la place de La Teste, très favorable à l’empereur. Il restera maire pendant toute la durée de l’empire.

La mairie n’a pas de local propre. De 1798 à 1805 elle occupe une maison louée au citoyen Desgons jeune pour 120 F par an. Puis elle errera jusqu’à son installation dans la maison Verthamon…Elle y restera jusqu’en 2006…Nous y reviendrons.

Le problème des dunes est toujours aussi urgent. Brémontier obtient de l’administration centrale en 1801 qu’on fixe les dunes, de la Gironde à l’Adour, en commençant par la Teste. En 1803, les semis s’étendent de la pointe de Bernet au Moulleau.

En avril 1804, la menace des Anglais se précise. On les soupçonne d’apporter la peste en France en débarquant sur les côtes des ballots de laine et de coton provenant de pays infectés. Ordre est donné à la population qu’aucun habitant ne touche ces ballots.

Pendant trois années, Jean Hameau sillonne la campagne girondine, son liquide vaccinal dans sa trousse et vaccine tous ceux qui désirent se prémunir contre cette terrible maladie qu’est la variole. Il parcourt la région  du Médoc, aussi repliée sur elle-même que notre Pays de Buch. Forêts et vignes se partagent le sol, avec des lacs ressemblant à celui de Cazaux. Il approche la misère, de pauvres gens vivant dans des locaux sordides. Pour exercer totalement la médecine, il doit obtenir ce diplôme d’officier de santé,

En 1804 après trois années d’études, un jury départemental, présidé par le professeur Dumas de l’Ecole de Médecine de Montpellier, lui délivre enfin son premier diplôme officiel, celui d’officier de santé, dans l’attente de sa soutenance de thèse.

Officier de santé

             Pendant plus de deux ans, il parcourt les chemins défoncés, entre les villages qui bordent le bassin. Il put ainsi dresser un tableau très diversifié de la région, observant ses caractéristiques, ses paysages aussi divers que les bords de mer, les dunes, les forêts, les lacs, les marécages, les surfaces en culture et d’autres abandonnées à une végétation sauvage. Il s’attacha à cette population rude, soumise à la particularité d’un climat changeant, à une géographie du sol qu’il fallait conquérir avec constance et patience pour en tirer de quoi assurer la survie. Il constate que, souvent, la maladie n’apparaissait que lorsque étaient réunies des éléments géographiques et des facteurs climatiques concomitants.

Il acquiert une large connaissance des vertus thérapeutiques des plantes de la région. On est loin des maladies soignées dans les hôpitaux de Paris, ces patients entassés, mélangés dans une hygiène déplorable, arrachés à leurs proches, et dont beaucoup n’entraient à l’hôpital que pour y mourir plus ou moins vite.

Il apprend à affronter les exigences des malades, et il n’est pas toujours facile de passer outre, pour les convaincre d’accepter les soins qui les soulageront.

Pendant cette année 1806, la vie testerine suit son cours.

Le maire Louis-Auguste Frédéric Turgan, est un fervent partisan de l’empereur. Des pratiques anciennes reviennent au goût du jour.

Ainsi, l’article 5 du règlement édicté le  4 avril par le maire ordonne à tous citoyens de se comporter avec décence dans l’église. Défense d’y causer, rire ni troubler l’office divin.

Le 30 avril, un nouvel arrêté municipal fait défense de travailler le dimanche et les jours de fête prévus au Concordat.

Le 14 août, proclamation du maire à l’occasion de la fête de l’empereur. Il enjoint à la population d’amplifier ses actions de grâce par des feux de joie, d’exprimer son admiration, son amour, sa reconnaissance au chef de l’empire. Les propriétaires riverains du cortège se rendant à la cérémonie religieuse doivent balayer soigneusement la rue devant chez eux.

Après les victoires d’Iéna et d’Auerstaedt en octobre 1806, le maire demande aux particuliers de traiter avec douceur les prisonniers prussiens mis à leur disposition, pour leur faire oublier le pays que les a vus naître. Le ressentiment de  Jean Hameau vis-à-vis de l’empereur n’en est pas moins vif devant cet acharnement guerrier.

Ses nuits sont courtes. Il est vrai qu’il passe un temps infini sur son cheval, pour répondre aux demandes toujours plus lointaines. Il s’inquiète de la pratique des nombreux imposteurs qui fleurissent dans la région, et qui, par leur intervention inappropriée, aggravent fréquemment l’état des malades. C’est surtout la santé de sa sœur qui le préoccupe. Elle montre des signes de faiblesse, de tristesse, de repli sur elle-même.

Il est de plus en plus persuadé que, sans une action sur l’environnement et sur la cause essentielle des maladies, dont il comprend qu’elle est, souvent, extérieure à l’organisme, il est difficile de venir à bout de beaucoup de souffrances. Dans sa tête germe déjà le sujet de sa thèse. Lors de ses visites au domicile des malades, il a la confirmation, que le manque d’hygiène, l’environnement négligé, sont des facteurs essentiels qu’il faut améliorer pour obtenir une notable diminution des maladies.

L’Îsle aux oiseaux est au centre des revendications des habitants. Depuis la première république, elle était propriété nationale et renfermait de nombreux lapins, chassés par les gujanais et testerins. En 1806 le Domaine décide d’affermer l’ile aux oiseaux, décidant que les lapins appartenaient désormais à l’empereur et non aux habitants.

Le 4 janvier 1807, le fort de la Roquette, gardé par une vingtaine d’hommes,  est pris par les Anglais qui mettent le feu et détruisent les pièces avant de rembarquer.

En raison de l’absence de prêtre à la Teste. On ne peut organiser de cérémonie  religieuse le 15 août pour fêter l’Empereur et appeler la bénédiction du TRES HAUT.

Docteur en Médecine, Montpellier

Avec ses économies, Jean Hameau décide de se rendre à Montpellier comme l’y avait engagé le professeur Dumas.  

L’Ecole de Médecine occupait un ancien édifice religieux, le monastère Saint Benoît, accolé à la cathédrale Saint Pierre. Une immense bibliothèque, remplie de livres anciens, offrait aux étudiants tout ce qu’il était possible de consulter dans la littérature médicale. Un frisson parcourut sa colonne vertébrale en pensant aux grands noms de la médecine qui avaient étudié dans cette ville de Montpellier dont le plus célèbre, François Rabelais.

Jean Hameau avait pris la décision de consacrer sa thèse à ses concitoyens, à son Pays, à partir des multiples notes accumulées pendant les deux ans de sa pratique d’officier de santé dans le Pays de Buch.

 

Le six mai 1807, le grand moment est venu. Revêtu de la robe qu'aurait portée  Rabelais,  il soutient sa thèse, « Essai sur la topographie physico-médicale de La Teste de Buch ». Il la dédicace à son père : « Vous fûtes le digne auteur de mes jours, le soutien et l’aiguillon de mon zèle. Ce travail est à vous, veuillez le recevoir. Heureux s’il peut adoucir l’amertume des peines qui se renouvellent sans cesse pour vous. »

Tout au long de son travail, il étudie les conditions de vie des habitants et leurs principales pathologies durant trois années, de 1804 au début de l’été 1806.

Dans une première partie il décrit la géographie de La Teste, ses maisons, bâties à l’aide de matériaux divers, pierres de lest, qui servaient à lester les bateaux de retour de livraisons lointaines, mélangées à d’autres pierres, l’alios et la garluche, trouvés dans le sol local ; maisons habituellement de plain pied, parfois surmontées d’un étage.

Parlant de l’environnement, il affirme que les brouillards portent en leur sein le germe actif de plusieurs maladies et notamment celui des fièvres intermittentes, et que des bonnes ou mauvaises qualités de l’eau, résultent souvent la santé et la maladie des hommes.

Dans la deuxième partie, il évoque les 2034 habitants et leurs principales maladies. Il en distingue trois classes dont il  décrit les différents tempéraments, les comportements spécifiques, selon leur origine sociale.

*   La première classe, les bourgeois et les artisans ; les bourgeois font  le commerce, surtout  des résines, sont négociants en vin, notables. Ils mènent une vie sédentaire et relativement oisive. Leur nourriture, très bonne les différencie nettement du reste de la population.

*   La deuxième classe comprend les marins et les pêcheurs. Les marins se nourrissent bien, lorsqu’ils sont à terre surtout. Les pêcheurs sont plus pauvres, moins instruits, moins bien nourris, malgré leur travail pénible sur la mer. Sur leurs bateaux se trouvent des femmes, qui manient les lourdes rames et portent ensuite les paniers chargés à travers les dunes.

A propos des femmes, Jean Hameau dit qu’elles travaillent la terre, vont chercher du bois dans la forêt, tôt le matin, assument les besoins du ménage ; tout cela fait perdre quelquefois la délicatesse, la timidité et les grâces que la nature leur a données en partage !

 *   La troisième classe est représentée par les résiniers. Ils sont petits, maigres, une taille adaptée à leur activité forestière. Ils logent dans des cabanes en bois, sans aucun confort. Ils se nourrissent de pain de seigle, de cruchade, de viandes et de poissons salés.

Chaque membre d’une classe doit recevoir une thérapeutique adaptée à son état, son mode de vie, son hygiène, sa nourriture.

S’agissant des maladies contagieuses, Jean Hameau, persuadé de l’existence de petites structures vivantes, responsables de ces affections, tient ces propos inédits devant ses professeurs interloqués : «Les infiniment petits paraissent à ceux qui savent observer comme des causes puissantes et capables de produire les plus grands effets. C’est pour n’avoir pas apprécié une pareille cause, c’est pour n’avoir pas décomposé une maladie jusque dans ses effets primitifs, qu’on n’a pu porter à des malades estimables tous les secours qu’ils avaient le droit d’attendre des ressources de la science ».

Jean Hameau n’a que vingt huit ans lorsqu’il formule sa conviction profonde devant cet aréopage de professeurs renommés, dans un lieu chargé de six siècles d’histoire médicale.

A l’unanimité, le jury le déclare digne du titre de docteur en médecine.

Le Docteur Jean Hameau lit le traditionnel serment d’Hippocrate qui l’engage solennellement à exercer sa profession dans les règles de l’art, le respect des malades.

Douze ans d’études, d’efforts, d’espoir et de découragement !

Le Docteur Jean Hameau peut se présenter à La Teste, la tête haute et fier de sa réussite.

 

 

Dans le numéro 7, on suivra le docteur Jean Hameau dans son Pays de Buch, ses premières découvertes et révolutions thérapeutiques, la morve du cheval et la mort dramatique de son ami Pierre Daysson, les fièvres intermittentes maîtrisées (paludisme), aussi la fin d’un Empire sinistre et belliqueux qu’il exécrait, et les premières années de la Restauration.

Association des Amis de Jean Hameau, siège social : 65 rue J. St Marc, 33260 La Teste de Buch

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